[Dark Ages : Fae] Introduction : un nouveau serment

Aussitôt arrivé dans l'église, Narcisse eut une surprise de taille : en fait, soudainement, quelqu'un surgit en ouvrant les portes de l'église de façon tout sauf discrète. Pourtant, la personne qui venait d'entrer n'était pas un homme imposant. C'était même tout l'inverse car il s'agissait d'une jeune femme qui ne devait pas avoir plus de vingt ans d'après son apparence, aux cheveux mi-longs et roux et aux yeux d'un vert éclatant. Elle portait une livrée de messager et tenait apparemment un parchemin dans la main. Elle se mit à parler d'un ton enjoué :

"Oyez, ce message est très important, oyez ! J'ai ici une missive de la chancellerie du roi de France, le grand Philippe, oyez ! J'ai été au château et il n'y avait personne, mais on m'a dit que le curé est l'oncle du jeune seigneur, donc je viens apporter ici, oyez !"

Elle ouvrit le parchemin et le lut après s'être éclairci la gorge :

"Moi, Philippe, roi de France par la grâce de Dieu, salue mon bon ami et fidèle vassal Gauthier de Melfleury. Soucieux de mes vassaux et de l'importance d'épouser une femme au sang noble qui portera de beaux enfants, j'ai écouté la demande d'une noble dame et ai accédé à sa requête. Je sais que Melfleury manque de nobles dames et je pense que vos deux lignées gagneront beaucoup à s'unir."

La missive s'achevait par des banalités, la date et toutes les bonnes formules classiques. La messagère reprit la parole.

"Je sais que ce n'est pas commun et qu'avoir une messagère n'est pas banal, mais c'est ainsi, oyez !"

Logiquement, quelques minutes tout au plus ; moins d'une heure, en tout cas...

La messagère partit après avoir salué le prêtre et son acolyte, avec un doux sourire à l'adresse de Narcisse sur le visage. Elle était assez jolie, avec ses cheveux roux mi-longs et défaits, ses yeux verts éclatants, ses taches de rousseur, son teint pâle et son petit sourire.

Le père Foulques se gratta la tête en se demandant qui était cette drôle de jeune fille en tenue masculine. Après tout, elle n'était peut-être pas la plus féminine qui soit (elle avait des formes moins généreuses qu'Apolline, par exemple), mais les traits de son visage et les quelques formes que l'on pouvait deviner sous ses vêtements ne laissaient absolument aucun doute sur sa féminité. C'était une fille en tenue d'homme !

Il sembla réfléchir un instant et finit par dire, sur un ton ferme, une fois que la messagère fut partie sans demander son reste :

"Il faut aller voir Gauthier. Je vais y aller. Suis-moi si tu le veux !"

À ces mots, il sortit du château.

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Pendant ce temps, la messagère était retournée au château, où elle fut de nouveau introduite au retour de Gauthier.
Elle put donc, cette fois, lui transmettre le message, ce qui troubla le jeune homme...

"Quoi ? Mais Apolline est ma dulcinée !"

La messagère présenta naturellement le sceau royal et à en juger par le parchemin, l'usage des formules, l'écriture et, bien évidemment, le sceau, le message était bel et bien authentique. Si c'était un faux, le faussaire connaissait bien les usages de la chancellerie royale.

La messagère, outrée, prit la parole :

"Ce n'est pas la dame qui choisit, oyez ! Le roi a décidé d'arranger un mariage entre deux nobles sans héritier car la dame en question est la fille unique d'un seigneur depuis la mère de son frère aîné, oyez. Normalement, elle aurait dû rentrer dans l'Église, je crois, et aurait pu devenir abbesse, mais elle n'a pas pu pour des raisons que j'ignore et son frère est décédé avant lors d'un accident de chasse particulièrement malheureux, oyez. Je n'ai pas tous les renseignements à ce sujet et je trouve que ça pourra faire un très beau mariage à célébrer ici ou ailleurs, oyez !"

La jeune fille regarda Apolline en souriant et répondit :

"La noble damoiselle veut juste un époux et le bon roi son suzerain a écouté la requête d'une noble en détresse en trouvant pour elle un noble à marier afin qu'elle ne soit plus seule, reine des abeilles aux orbes généreux de plaisir et à la grande beauté, oyez... Voilà tout, oyez !"

Oui, la jeune fille à forme humaine semblait savoir...

La jeune fille ne semblait pas en avoir, mais il s'agissait peut-être d'une Changeline sous forme humaine et non pas d'une Fae qui cachait ses traits féeriques grâce aux Brumes. Bref, elle avait réellement une forme humaine. Rien ne la trahissait vraiment. Enfin, ses yeux semblaient quand même assez éclatants et la couleur de ses cheveux était assez rare chez un mortel, mais en dehors, rien de bien spécial...

La Changeline messagère répondit simplement :

"Je m'appelle Adeline, oyez ! Je suis de la Cour du Printemps et la fiancée est une vraie fille de noble, Changeline aussi, oyez. Par contre, elle est une noble de la cour de l'Automne et on a souvent des Échos avec la foi dans cette cour, oyez. Je ne sais pas si c'est son cas, mais je pense que c'est pour ça qu'elle préférait éviter de devenir abbesse, oyez. Dommage, la tenue de religieuse lui irait bien, oyez."

La messagère n'était pas une noble. C'était une jeune fille en livrée de messager, ce qui était tout de même en soi déjà fort étrange car les femmes n'exerçaient pas ce métier. En fait, les femmes ne faisaient pas grand chose en dehors de métiers typiquement féminins et messagère n'en faisait absolument pas partie. On n'avait jamais entendu parler de messagère officielle du roi de France...

La rouquine donna de petits coups de pied pour écarter la renarde. Ils n'étaient pas assez forts pour faire mal car ce n'étaient pas ses intentions. Néanmoins, ils montraient que la Changeline ne voulait pas d'une renarde dans les pattes.

"Ouste..."

"Je reste en dehors des intrigues de cour et vous devrez régler ce problème vous-même, oyez. Je ne suis qu'une messagère de la Cour du Printemps et je ne fais que transmettre un message, oyez. Je transmets tout message important entre Fae, oyez. En fait, je suis la Cour du Printemps car je me sens mieux chez elle et j'y suis liée par le sang, mais je ne regarde pas la cour de l'envoyeur ou du destinataire, oyez."

La messagère s'en alla après avoir transmis le message et, la nuit suivante, les chariots des vampires s'en allèrent, ce qui n'avait guère pour le moment été ordonné par le jeune seigneur. Non, ils partaient tout simplement de leur propre initiative...

Ce fut le lendemain qu'arriva une jeune femme noble de grande beauté. C'était une jeune femme aux cheveux ondulés et blonds qui avaient la couleur de l'or et de l'argent et cascadaient le long de son dos. Elle avait deux yeux de couleurs différentes : l'un était bleu-violet et l'autre vert émeraude. Ce petit "défaut" n'altérait aucunement sa beauté, au contraire. Ses deux yeux étaient éclatants et magnifiques.

Elle était vêtue d'une robe blanche assez moulante qui mettait en valeur un corps dont beaucoup d'hommes devaient rêver : une poitrine généreuse, des hanches bien formées, une taille fine... Ses courbes enchanteresses devaient faire tourner bien des têtes.

D'ailleurs, il fut indéniable qu'elle fit tourner celle du jeune seigneur qui vint l'accueillir dès son arrivée. Son beau visage, son sourire, sa voix, ses rondeurs... Il était clair que tout plaisait au jeune homme. Celui-ci bafouilla en lui adressant quelques formules de politesse.

La Changeline s'adressa à notre chère reine des abeilles quelque peu jalouse de voir d'autres femmes butiner chez elle sur un ton faussement sympathique, une expression légèrement moqueuse et un petit sourire sur le visage :

"Allons, chère dame, ai-je l'air de vouloir vous priver de quoi que ce soit ? Vous vous méprenez..."

La noble changeline soupira et finit par répondre, sur un ton légèrement agacé, à l'adresse d'Apolline :

"Pourrions-nous parler en privé ?"