[VtR] [Introduction] Voyage, voyage ...

Rose Svetlana Govoretski, souvent appelée simplement par son premier prénom, sauf par ceux qui préféraient un nom plus exotique, était assise et lisait probablement à ce moment précis un livre d'art. En fait, il était fort improbable qu'elle ait pu lire l'information avant Shani car elle ne lisait que fort peu les journaux. Enfin, il y avait toujours des choses intéressantes dans la presse et cette information en faisait partie, mais en temps normal, la jeune franco-russe était le genre de personne qui ne s'intéressait pas à l'actualité.

En effet, elle était plus souvent absorbée par l'art et la lecture d'ouvrages intéressants, du moins selon son point de vue. Les faits évoqués dans les journaux sont souvent si mornes et ennuyeux, de son point de vue... Des événements tristes qui avaient quelque peu tendance à lui déplaire, quelque soit le pays touché... Comme le disait bien Shani, c'était une mauvaise période pour l'Europe.

Rose leva les yeux vers sa chère collègue de coterie sans quitter son fauteuil fort confortable et ferma le livre. Elle tendit ensuite une main fine, délicate et parfaitement entretenue afin que cette dernière puisse lui tendre le journal. Cela semblait vraiment intéressant...

"Malheur ! Dire que nous n'avons pas d'italophones parmi nos confrères... Enfin, j'ai toujours rêvé de visiter ce magnifique pays qu'est l'Italie, berceau de la Renaissance... Je n'ai jamais eu l'occasion de le faire jusqu'ici. En plus, on dit que Venise est une ville merveilleuse.

Nous nous débrouillerons en ce qui concerne la langue. J'ai toujours été frustrée de ne connaître que quelques mots comme trecento ou quattrocento... Cette langue est si suave et chantante. Enfin, ce sera sans doute l'occasion de l'apprendre un peu. Qu'en dites-vous ?"

La Daeva lut donc l'article et lui rendit le journal avant de se lever en époussetant sa robe.

"Voyons... Nous sommes en guerre, je vous le rappelle, ma petite Sacha. Dans un tel contexte, il est évident que personne n'accueille les étrangers les bras ouverts. L'Italie ne l'est pas, à ma connaissance, c'est toujours cela... Néanmoins, nous le sommes. La France, je veux dire. Enfin, à ma connaissance car on dit que les troupes allemandes et françaises se regardent dans les yeux depuis les lignes Siegfried et Maginot, sans bouger. D'après la chanson, on ira même pendre notre linge sur la ligne Siegfried, mais encore faudrait-il que l'on se batte, n'est-ce pas ?"

Elle marqua une pause et observa les autres présents dans l'Elysium, guettant leurs réactions.

"Enfin, chère Sacha, si cette "vague malsaine", comme vous le dites si bien, vient d'Italie..."

Elle marqua une autre pause et se mordilla la lèvre inférieure.

"Oui, nous devrons faire preuve de prudence... Avez-vous des suggestions ?"

La Toréador sourit légèrement en observant sa chère sœur de coterie. Décidément, celle-ci était bien arrogante... Enfin, Rose commençait plus ou moins à en avoir l'habitude et cela ne la gênait généralement pas. Au bout de quelques années, on commençait à s'y faire...

"Bien, je suppose que nous devrons soigneusement nous préparer tout en évitant de perdre trop de temps car nous ignorons précisément si cette urne restera au musée archéologique de Venise ou si elle sera déplacée. De plus, nous ne sommes pas les seuls intéressés par des secrets occultes et il est fort possible que des vampires italiens s'y intéressent tout autant que nous, et ces derniers ont l'avantage de la proximité. Oh, et naturellement celui de la langue, qui risque fort d'être une barrière pour nous... Fâcheux, n'est-ce pas ?"

Elle se tourna vers ses autres collègues.

"Et vous, qu'en pensez-vous ?"

La belle Toréador franco-russe se tourna vers son compagnon Gangrel. Décidément, ce dernier faisait toujours dans la finesse quand il parlait... Quelle grâce, quelle subtilité ! Elle se demandait parfois comment elle parvenait à le supporter et le tolérer... Ah non, en fait, elle avait la réponse à ce sujet : elle n'y parvenait tout simplement pas. Elle n'arrivait pas à s'y faire et elle faisait pourtant des efforts...

Voyant que Shani ne daignait pas prendre la parole afin de le renseigner, elle décida de le faire, avec un air taquin :

"Allons, cher ami... Ne suis-je pas assez belle pour vous ? Vous pourriez vous contenter de m'admirer au lieu d'aller voir ailleurs...

De plus, pendant que vous étiez absent, vous avez raté une information capitale qui nous concerne tous. On a trouvé une urne qui semble contenir le sang de l'un des nôtres en Italie. Ce vampire se faisait passer pour un ange et demandait le sang de ses fidèles comme sacrifice afin de se nourrir. Actuellement, cette urne est entreposée au musée archéologique de Venise et nous songeons à nous y rendre..."

La Toréador s'approcha de lui en souriant et caressa sa joue d'une main douce et délicate.

"Allons ! Je ne suis pas aussi inaccessible que tu le prétends et tu le sais très bien... Seulement, tu dois comprendre que je suis une femme qui cherche un certain raffinement et des manières. Or, tu manques précisément du premier. Quant aux secondes, ma foi... Disons qu'elles laissent tout simplement à désirer, pour rester correcte. Pour te donner un exemple simple : si tu surveillais ton langage afin qu'il soit plus convenable à mes douces oreilles, je t'apprécierais déjà plus, le sais-tu ? Rien n'est plus pur à mes oreilles qu'un langage châtié...

Quant aux visites, laisse-moi te dire une chose : aucune visite n'est inutile quand il s'agit d'art ! L'art n'est jamais une perte de temps. Or, il y a de magnifiques œuvres à admirer à Venise. Que dis-je... Des œuvres d'art ! Que ce soit pour l'architecture ou la peinture, Venise est une ville qui mérite d'être visitée, d'après ce que j'ai entendu à ce sujet. Respecte donc la beauté créée par la main de l'homme !"

La Toréador ne prit absolument pas mal la remarque et répliqua aussitôt :

"Je ne suis pas forcément attachée aux bellâtres bien éduqués, mais j'aime les hommes attentionnés et ayant un minimum de tact et de manières, c'est tout... La présence n'a rien à voir avec la beauté. Par contre, il est évident qu'un homme courtois et galant attirera plus aisément les femmes... Bien que certaines puissent apprécier un homme un peu rustre, mais cela reste assez rare, je crois.

Cela dit, tous les peintres que j'ai fréquentés ne sont pas des modèles de courtoisie et de beauté, loin de là... Seulement, ils ont du talent et un goût évident pour l'art et nous avons donc des affinités communes pour ces raisons. C'est évident, n'est-ce pas ?"

Elle se fendit d'un plus grand sourire avant d'ajouter :

"Quant au reste... J'aime les hommes entreprenants, pas ceux qui se contentent de suggérer."

Rose prit sa coupe en souriant à l'adresse de Szab' comme signe de gratitude avant de se tourner vers le Gangrel.

"Eh bien, vous voyez fort bien la différence entre un homme qui se contente de suggérer, de dire ce qu'il ferait en employant le conditionnel qui montre bien son incertitude et un homme qui agit en servant aimablement une femme, mon cher ? C'était une bonne illustration...

Vous brassez beaucoup de vent, ami, mais parfois, il faut être dans l'action. Les mots ne sont que des mots. Des douces paroles... C'est bien et utile, mais il faut aussi montrer que nous savons ce que nous voulons. Or, tout ce que je vois chez vous, c'est de l'indécision."

Elle but une gorgée.

"Oui, le beau est un concept, mais la beauté peut être universelle. Elle peut être indépendante du temps et du lieu... Elle n'est pas toujours tout à fait subjective ou, si elle l'est, elle peut toucher suffisamment de personnes pour qu'un consensus règne."

Elle but de nouveau.

"Et pour en revenir à notre voyage ? Des suggestions ?"

"Allons, je n'ai pas un esclave, mais un garde du corps et, pendant que tu parles, tu n'agis pas ! Qu'attends-tu donc ?"

Elle sourit et finit sa coupe avant de la poser sur la table la plus proche.

"Et, pour ta gouverne, sache que je voyage généralement léger... Je n'ai pas besoin de tant d'affaires que cela ! En fait, j'ai juste besoin de quelques vêtements et de quoi travailler, c'est tout... Rien de plus. Jamais je ne transporte plus de deux malles, sauf circonstances exceptionnelles, cher ami. Ce n'est pas pratique et c'est si facile à perdre... Je ne suis vraiment pas comme tu me décris..."