[Dark Ages : Fae] Introduction : un nouveau serment

Le rouquin lui jeta un regard mauvais quand elle sortit. Apparemment, il n'avait pas apprécié ses paroles.

Cervain était lui aussi assez gêné. Il ne semblait pas apprécier ce qu'il se tramait au château des mortels, loin de là.

"Bien, écoute, je sais bien que cette histoire te déplaît, tout comme ça me déplaît profondément, mais tu as agi trop hâtivement, Apolline... Je sais ce que je dis. Les seigneurs de la nuit peuvent dominer les esprits. Tu as été imprudente... Tu viens de te faire un ennemi. Tu as attiré sur lui ton regard et j'ignore ce qu'il te fera. Si c'est un sorcier, il sait peut-être des choses qui pourront nous nuire."

Ses abeilles revinrent au bout de quelques instants.

"Hommes... Ne bougent pas... Plusieurs..."

"Il n'est pas un nocturne, mais un mortel qui est lié à eux. Il peut agir de jour et nous causer du tort. J'ai entendu parler de certains de ces vampires, même si je n'en sais pas grand chose, et on dit qu'ils sont assez terribles pour nuire aux nôtres. Sois prudente ! Tu ne dois pas t'attirer des ennuis inutiles et risquer de perdre tout ce que tu as bâti pour la cour du Printemps en ces terres.

Des hommes ? Tu veux parler des maîtres de cet homme ?"

Le siège de la Cour du Printemps le plus proche était une demeure a priori isolée dans une prairie. Le genre d'endroit dont on pouvait se dire qu'il s'agissait de la maison d'une sorcière, sauf que la seule magie pratiquée ici était féerique car la soi-disant sorcière et dirigeante locale était en fait une Firstborn de la Cour du Printemps. La Fae présente ici avait trouvé cela très utile de se faire passer pour une simple sorcière. C'était une couverture qui lui garantissait à la fois une certaine proximité avec les paysans et une certaine tranquillité. Contrairement au cervidé, son plus proche voisin, elle ne vivait pas complètement isolée et ne surveillait pas non plus les mortels de si loin.

C'était une belle rouquine au visage souvent sérieux, aux yeux brun-vert (les deux couleurs étaient mêlées, la Fae n'avait pas deux yeux de couleur différente) d'une grande intensité et aux formes généreuses. Son odeur personnelle était celle de l'humus et elle arborait des griffes assez tranchantes et terribles. Son regard était intense, en dehors de sa couleur, et semblait refléter une grande puissance. Le teint de sa peau était brun. Quant à ses cheveux, ils étaient assez longs et tombaient en cascade sur ses épaules et son dos. Elle portait une robe la mettant en valeur. Elle semblait, à dire vrai, presque humaine sans ses griffes et ses yeux étranges. Elle n'était pas particulièrement élancée ou minuscule, par exemple. Néanmoins, elle était connue pour être capable de changer de taille, même si elle restait souvent à taille humaine.

Près d'elle, dans la clairière, se trouvait un autre Fae, à l'apparence d'un arbre, qui restait au soleil et en profitait. Sa peau était comme de l'écorce et il fallait vraiment regarder pour discerner des traits humanoïdes chez lui. On pouvait réellement le confondre avec la végétation environnante. Des enfants, visiblement des Changelins à en juger par leurs traits, jouaient avec lui. Non loin se trouvaient d'autres Fae, surtout des Changelins, mais on pouvait voir un ou deux Firstborn et quelques Inanimae. Tous discutaient des affaires humaines.

La dirigeante, qui préférait se faire appeler la Bonne Mère, était une femme assez sympathique qui savait être terrible avec les mortels qui brisaient un serment et détestait particulièrement les parjures. Elle avait de relativement bonnes relations avec l'Été et, dans une moindre mesure, l'Automne. Disons que la grandeur de l'Été lui plaisait, mais qu'elle trouvait cette cour archaïque et trop attachée à leur sens de l'honneur. Quant à l'Automne, ses relations étaient courtoises, même si elle n'appréciait pas vraiment leur fourberie. Par contre, elle exécrait les monstres de l'Hiver. Elle les avait en horreur, même si elle pouvait accueillir respectueusement l'un de leurs représentants, non sans toutefois grincer des dents.

En somme, la reine savait pour le bien de tous tolérer la présence de chacun, mais elle n'oubliait pas son objectif : aider les humains afin qu'ils n'oublient jamais le peuple féerique. C'était là le principal. Elle veillait à leur bien dans l'intérêt des Fae et ne cherchait pas particulièrement à obtenir du pouvoir ou à les manipuler. Elle était donc plutôt à ranger dans la catégorie bienveillante.

La suzeraine ne montra pas vraiment d'inquiétude. Elle se tourna vers l'étrange homme-arbre qui remua doucement ses deux bras en direction de la Fae-abeille avant de prendre la parole d'une voix grave et particulièrement calme malgré ce qu'elle venait d'annoncer :

"Petite abeille apporte avec le vent de bien terribles nouvelles... Le vent qui fait bruisser mes feuilles est porteur de bien sombres choses. Les hommes, nous devons veiller sur eux... La Bonne Mère le sait. Il nous faut découvrir ce qu'ils veulent de Melfleury. C'est un si petit village et je ne comprends pas pourquoi ces êtres buveurs de sang s'y intéressent tant. Oh, sauf s'ils ont décidé de remplacer le sang par du miel... Oui, ce doit probablement être cela... Y aurait-il vraiment une autre possibilité, petite abeille ?"

L'Inanimae de bois se mit à rire. La suzeraine prit alors la parole d'une voix claire.

"Mon fidèle compagnon a raison. Il veille toujours sur ma clairière et il a la force d'un grand chêne. Sa sagesse est aussi ancienne. Je pense qu'il a parfaitement dit ce que je voulais. I nous faut parfois mieux écouter ce que nous murmurent les arbres et les forêts... C'est quelque chose que les hommes ne doivent pas oublier. Ils doivent continuer à écouter les voix de la forêt et de la Faerie. Néanmoins, si nous oublions nous-mêmes cela, comment pouvons-nous faire passer ce message aux hommes ?"

La dame se contenta de sourire en jetant son regard sur tous les présents.

"Choisissez donc... Vous pouvez choisir deux des Changelins présents ici, si vous le désirez. Si vous me jurez que vous veillerez sur ceux qui travailleront à vos côtés, je veux bien vous autoriser à vous en occuper. Tous ceux qui sont présents sont mes protégés. Le moindre de mes sujets a une certaine importance à mes yeux. Ne l'oubliez jamais, chère Apolline. Traitez bien vos sujets et ils respecteront votre autorité."

La reine souriait en les écoutant tandis que l'homme-arbre observait le faucon qui volait. Ce dernier prit la parole.

"Vous devriez peut-être parler de votre particularité à celle qui fait appel à votre assistance, Aurora, fille de l'aube et du jour... Entre compagnons, il faut se connaître et ce secret n'en restera pas un très longtemps. Le crépuscule viendra et la magie opérera."