[Dark Ages : Fae] Introduction : un nouveau serment

Cette histoire se passe au mois d'avril 1215 selon notre calendrier, plus précisément le 20, soit le lendemain de Pâques qui, rappelons-le, était à l'époque le premier jour de l'année dans certains pays de la chrétienté, y compris et en particulier dans le royaume de France. Elle se situe également dans un fief à quelques lieues de Paris, dirigé par le jeune seigneur des lieux, Gauthier de Melfleury. Son père avait participé à la bataille de Bouvines qui avait été un triomphe du grand roi de France Philippe II, dit Philippe Auguste. Il y était mort en héros et son fils lui avait naturellement succédé en tant que fils aîné du seigneur.

Melfleury était un fief qui tirait son nom du miel qu'il produisait en quantité et lui assurait des revenus. Ce n'était pourtant pas la main de l'homme qui récoltait ce miel ou veillait sur celui-ci. Depuis longtemps, il existait un serment entre le seigneur local et un être mystérieux, mais ce serment était arrivé à terme et il était donc temps de le renouveler en en définissant les termes au passage.

Le jeune seigneur avait fait parvenir une lettre à la Fae qui régnait sur le miel. Tous deux devaient respectivement se voir à la frontière du domaine de l'étrange créature vers midi. Fidèle à la parole donnée, le jeune seigneur s'y trouvait déjà avant que l'église locale n'ait eu le temps de donner l'heure. Il s'agissait d'un jeune homme d'à peine 20 ans, aux cheveux bruns mi-longs et ondulés et aux yeux bleus, arborant une barbe de quelques jours. Il pouvait être assez beau ou séduisant, mais il ne semblait pas homme à se soucier de cela. Il portait des vêtements assez simples (après tout, il n'était qu'un vassal du roi de France et son domaine rural n'était pas si important) et une épée sur le côté. Il était, selon les termes de l'accord, seul, à l'exception de son cheval, dont il tenait la bride d'une main. Il attendait patiemment...

Le jeune seigneur s'inclina poliment et prit la parole. Il semblait assez gêné par la présence de la jeune femme et rougissait même. Ses yeux avaient tendance ses formes généreuses et essayaient apparemment de les deviner à travers sa robe. Même s'il essayait de détourner le regard pour ne pas être vu, il se trahissait aisément. Son regard fuyant qui évitait presque d'observer la Fae et ses joues qui viraient au pourpre parlaient suffisamment pour lui. Visiblement, le jeune noble n'était pas à l'aise devant une telle beauté.

Il tenta malgré tout de se concentrer et finit par dire, après avoir pris son courage à deux mains, tout en observant les abeilles qui virevoltaient plutôt que la fort belle dame qui était leur maîtresse afin de ne pas être davantage déstabilisé :

"Dame, je viens renouveler le serment qui liait mon père à vous, pour le bien de mon fief. J'implore votre bienveillance. Nous devons décider du nouveau serment et nous y lier pour le bien de tous. Vous pouvez demander ce que vous voulez. Vous savez déjà ce que nous désirons. Du miel en certaine quantité quand vos abeilles en créent afin d'assurer la prospérité de notre fief autrement que par la culture des champs. Votre miel nous apporte toujours un certain revenu. Votre cire aussi, d'ailleurs. Elle est utile pour nos cierges... Vous êtes la principale garante de la fortune de mon domaine et je me plierai à votre volonté, dame. Je ferai ce qui sera juste pour ces terres qui sont les miennes."

Tout en parlant, il semblait avoir retrouvé un certain courage.

Le jeune homme fut apparemment davantage troublé et eut le réflexe de reculer légèrement, non parce qu'il la trouvait repoussante, ce qui était bien évidemment très loin d'être le cas, mais tout simplement parce qu'il ne pensait pas que c'était correct.

Elle semblait le séduire et c'était particulièrement gênant pour lui. Il savait que les créatures d'ailleurs pouvaient être joueuses et ne respectaient pas les principes enseignés par le Seigneur, donc il tolérait ce comportement. Oui, elle était étrange, mais c'était du à sa condition. Il pouvait l'accepter sans le moindre problème, mais qu'allait-on dire de lui et de sa vertu s'il s'acoquinait davantage avec elle ?

Tout en reculant, il trébucha maladroitement sur une pierre et tomba sur le derrière en criant sous l'effet de la surprise.

Le jeune homme se leva et se rapprocha de la jeune femme en se grattant la tête.

"Bien, je vous l'ai dit : j'attends de vous les mêmes choses que mon père et pas grand chose de plus. Seulement, j'ignore vos propres conditions. Vous devez bien attendre quelque chose de moi, mais j'ignore quoi. Je veux donc savoir quels sont vos désirs. Vous savez très bien ce que mes sujets attendent de vous, mais j'admets ne pas vous connaître assez pour savoir quel sera votre prix, dame Apolline."

Le noble semblait rassuré par les paroles de la Fae. Ainsi, il n'avait pas à se soucier de cela, ce qui était indéniablement une bonne chose, mais il ne savait pas quel autre serment tisser avec elle... Oui, ses pouvoirs étaient immenses, il en avait conscience, et il valait mieux se lier à elle d'une façon ou d'une autre pour en profiter, mais comment ? Que pouvait-il offrir et demander à cet être merveilleux ? Elle n'était probablement intéressée ni par l'or, ni par le pouvoir. Après tout, celui qu'elle possédait devait largement lui convenir...

Après un instant de réflexion, il prit enfin la parole :

"Je suppose que je peux vous demander de veiller sur le bien-être de mon peuple, sauf si cela doit me concerner personnellement et, dans ce cas, j'implore le privilège de bénéficier de vos soins quand je serai souffrant, malade ou blessé, dame Je pense que c'est là la seule chose que je peux désirer. Je n'imagine pas vous demander autre chose, sauf si vous avez mieux à me proposer. Quant au paiement... Ma foi... J'ignore ce qui peut vraiment vous convenir. Je suppose donc que je paierai celui que vous proposerez."

Le seigneur sembla gêné par la requête, mais il s'imaginait mal la lui refuser. Après tout, elle faisait déjà beaucoup et elle comptait en plus s'occuper des orphelins, donc pourquoi lui refuser une telle chose, dans ce cas ? Il ne voyait pas la moindre raison de le faire. Tout en souriant, gêné, il répondit donc à la Fae, d'une voix calme et aimable :

"Bien, tout orphelin de mon fief vous sera envoyé, dame. Néanmoins, je me demandais si... Vous pouviez... Enfin, vous comprenez..."

Il rougit, gêné, avant de poursuivre après un instant :

"Bien, je pensais qu'un héritier, né de nos deux sangs, pourrait être élevé en secret chez vous. Il aurait plus de chance d'y survivre et il serait le gage de notre alliance. Après tout, il serait votre enfant tout comme le mien. Je le reconnaîtrais même, si vous accédiez à cette requête. Il pourrait donc devenir le prochain seigneur de ces terres. Qu'en pensez-vous ? Cela vous convient-il ?"

Gauthier n'avait pas forcément pensé à cela, à dire vrai. En fait, il n'avait pas songé à cette éventualité du tout. Après un moment, il finit par dire, apparemment sûr d'avoir trouvé une solution au "problème" exposé par la Fae :

"Bien, je la reconnaîtrai et on lui confiera une fonction ou on la mariera à un noble, je suppose... Qu'en dites-vous ?"

Il observa ses expressions afin de voir si cela lui convenait ou si ça ne lui plaisait pas du tout...

Gauthier regarda la Fae dans les yeux avec un air sérieux.

"L'enfant sera mon sang et le vôtre. Il appartiendra forcément aux deux mondes et je ne pense pas l'empêcher de vous rejoindre. Cela ne serait absolument pas dans mon intérêt et je n'ai aucune raison de le faire. Après tout, je veux conserver de bonnes relations avec vous et si cet enfant en est la preuve, il doit être libre de parcourir les deux mondes. Il le sera, j'en fais le serment, qu'il soit un garçon ou une fille. Il suivra forcément une destinée à la fois humaine et féerique. Il sera l'enfant du seigneur de Melfleury comme il sera celui d'Apolline.

Quant au châtiment pour le parjure, j'admets ne pas encore y avoir vraiment pensé, mais je suis prêt à payer un prix élevé car un noble qui prête fidélité doit respecter la parole donnée. Je respecterai la mienne et je veux bien être foudroyé ou emporté par la maladie si mes sujets vous font du mal en mon nom. Jamais je ne leur en donnerai l'ordre. Je leur interdirai de vous faire du mal, à vous et à vos abeilles."

Le noble, gêné, rougit et finit par dire :

"Bien, dame Apolline, je suis ravi de l'entendre. Bien, je suppose que le serment est prêt à être scellé... J'ignore comment il faut exactement le faire et je compte naturellement sur vous pour me l'apprendre. Je n'ai jamais fait cela avec un être de votre puissant et vénéré peuple. Vous êtes la seule représentante de ce dernier que je connaisse. Je vous écoute donc, à ce sujet."

Gauthier sourit doucement.

"Oui, la seule représentante que je connaisse car les vôtres sont, il me semble, peu nombreux ou, en tout cas, peu visibles. S'il y en a d'autres dans les environs, je l'ignore, à dire vrai. Je suis probablement incapable de le savoir, de toute façon. En fait, ai-je vraiment envie de faire leur connaissance quand vous êtes la seule qui compte ? Vous êtes celle que nous vénérons et personne ne prendra votre place."

Quand elle parla de révéler sa véritable apparence, on vit bien que le seigneur était inquiet, voire même paniqué. Il angoissait sans doute à l'idée que la véritable apparence soit en fait particulièrement horrible, et cela pouvait se comprendre... Néanmoins, en voyant ce qu'elle était vraiment, il ne prit pas peur. Il ne bougea pas et se contenta d'observer sa nouvelle forme. Il était apparemment plus impressionné qu'effrayé par son apparence réelle. C'était différent et étrange, mais indéniablement attirant... Elle était d'une grande beauté sans être vraiment humaine.

Il essaya malgré tout de parler, mais sa voix ne cachait pas son trouble. De plus, les mots semblaient lui manquer.

"Vous êtes... Magnifique... Belle... Différente car pas tout à fait humaine, mais belle tout de même... Vous avez beau être d'une autre nature que celle de l'homme, vous disposez de charmes qui vous permettent indéniablement de le séduire et de le piéger. Existe-t-il en ce monde une chose plus merveilleuse que vous, dame Apolline ? Y a-t-il dans toute la Création une femme plus séduisante ? Non, je ne conçois pas que le Seigneur ait pu parvenir à créer quelque chose d'aussi beau, même si je blasphème sans doute en parlant ainsi..."

Le nobliau la laissa prendre ses mains et ne bougea pas quand elle tissa le serment en prononçant quelques paroles. Lorsqu'elle parla de sa façon de sceller leur serment, il lui répondit en souriant très légèrement, les joues rouges :

"Bien, en général, le suzerain remet un objet au vassal quand ce dernier prête fidélité, mais je suppose que c'est aussi bien ainsi. C'est un symbole plus fort que tout objet et, après tout, nous ne prêtons pas réellement allégeance. Ce n'est pas un hommage."

Gauthier la suivit, quelque peu gêné et intimidé par la forme féerique et l'idée de l'union. Tout en marchant, il observait les environs, la maison, les champs, les fleurs, les abeilles qui travaillaient... C'était un paysage assez plaisant et il aimait l'admirer.

Il finit par dire, toujours avec autant de peine, avant qu'ils n'aient atteint la maison :

"Si... Si vous voulez venir dans mon château, sous forme de paysanne... Vous serez la bienvenue. Après tout, en robe de paysanne, vous êtes aussi très belle, dame... Une beauté humaine plus simple, mais tout de même plutôt incroyable..."

Le seigneur semblait heureux à l'idée d'être visité régulièrement par la Fae et probablement d'autant plus après le moment passé avec elle. Il ressortit en effet de chez elle comblé. Après tout, c'était sa première femme et elle était belle... Il ne pouvait qu'être heureux. Il sortit de la maison et embrassa tendrement la Fae, apparemment moins gêné qu'auparavant avec elle.

"Bien, je ferai respecter le serment, je vous le jure. Aucun homme ne vous offensera. J'y veillerai."

Tout en souriant, il s'en alla et rentra donc au palais.

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Environ un mois passa et Apolline eut la surprise de recevoir des visites régulières du seigneur tout au long de ce dernier. Enfin, si cela la surprenait, mais apparemment, il adorait la visiter, surtout si elle ne venait pas assez régulièrement à son goût au château elle-même. Il était certain que la Fae plaisait au noble seigneur, même s'il voyait davantage cette union de façon chevaleresque et amoureuse.

Un beau jour du mois de mai, ce fut pourtant une autre visite qu'elle reçut : celle d'un autre Premie-Né aux pattes inférieures et aux bois de cerf, apparemment habitué à la vie en forêt. Il y avait chez lui une certaine puissance et une certaine majesté à en juger par sa musculature, bien qu'il fut plutôt petit. Certes, il n'était pas un nain, mais sa taille était inférieure à bien des mortels. Il avait les traits d'un jeune homme. Ses poils étaient châtains, tout comme sa chevelure abondante et bouclée, ainsi que sa barbe. Il portait un pagne pudique, mais c'était là son seul et unique vêtement. Il respirait la joie de vivre et le printemps. D'ailleurs, il avait des feuilles vertes sur les épaules.

Il s'inclina poliment devant la Fae en souriant.

"Apolline, n'est-ce pas ? Cervain, ou Cervanius, si vous préférez le latin, enchanté."

Le Fae sourit et, joueur, attrapa la femme-abeille par la taille en riant avant de la reposer et de prendre un air plus sérieux.

"Désolé, je voulais admirer ta beauté. J'aime beaucoup les femmes, mais peu s'approchent de la forêt... Je suis parfois obligé d'en sortir. Enfin, en parlant de forêt... En fait, pour revenir à ta question, ce serait plutôt "ce que je peux faire pour toi", amie. Il se passe quelque chose de pas bon... J'ai vu, venant de cette grande ville que les mortels nomment Paris, à en juger par la provenance, des chariots et des chevaux circuler sur la route durant la nuit... Tout s'est dirigé vers la ville de Melfleury. Je suis resté caché et j'ai évité de trop m'en approcher, mais j'en suis sûr."