[MtAw] L'éveil de Giulietta

Firenze, un lundi d'avril.

Au sud du fleuve Arno, dans la banlieue clairsemée de la capitale Toscane, se trouvait la villa d'une influente famille de financiers, les Auditore. On dit qu'à la grande époque de l'apogée florentine, ils faisaient partie des grandes familles banquières avant de tomber du fait de la conspiration des Pazzi sur les Medici. Si tel était bien le cas, eh bien, ils sont revenus sur la scène. Bien sûr, ils n'ont plus leur banque à eux comme à l'époque, mais font quand même partie des meubles dans les conseils d'administration d'une des grandes banques nationales.
Ses membres sont charismatiques, brillants et carrés. Que ce soient les parents, Dante et Christina, l'aîné Silvio ou la benjamine Paola.
Il en va cependant autrement pour la petite dernière, Giulietta.
Charismatique ? Douteux ? Brillante ? Peut être, si elle faisait une once d'effort au lycée. Carrée ?
Peut être dessiné par un hippie sous LSD.

Silvio Auditore soupire en voyant sa petite soeur dévaler les escaliers, cheveux ébouriffés et vêtements très simples mal ajustés. Lui est bien coiffé et bien habillé depuis une demi-heure. Bah, les précepteurs et le lycée public n'ont pas les mêmes exigences...

"Buon giorno, sorella minore."
"Si si, Silvio ! Je suis en retard, a presto !"

Elle attrapa une boîte de biscuits au vol et coura vers le bus, une seule bretelle de son sac mise. Elle put attraper le véhicule à temps, et arriva, de justesse, à son lycée, où le terrible prof de maths allait commencer la journée en fanfare.
Notes, interros surprises et engueulades n'étaient que des menus ennuis pour Giulietta, cependant. Elle n'avait à l'esprit que son énième plan génial pour trouver une preuve du surnaturel. Excitée, elle s'assit juste à côté de sa meilleure amie, qui, sans être aussi fantasque, partageait sa passion du surnaturel.

"Je suis sûre que j'ai trouvé cette fois ! Chuchota Giulietta à sa voisine. Un musée de la renaissance qui est supposé avoir des souterrains secrets abritant des secrets millénaires ! Il est fermé pour rénovations, et la ville n'a voulu payer que pour deux trois gardes sans expérience ! On va trouver, cette fois, je te dis !"

"Déjà essayé, déja foiré." Répondit Giulietta en secouant la tête. "Faut se rendre à l'évidence : Si on pouvait trouver le surnaturel en étant même un petit peu raisonnable et sensé, on serait en train d'étudier la divination au lieu des maths. Fais comme tu veux, mais moi, j'y vais ! En plus, je crois que je prends du poids, un peu d'aventure ne me fera pas de mal..."

"Folle ? Tu me blesses, mia amica. J'irai donc seule, ça me va. Et tu ne m'avais pas dit pour la confession..."

Les Auditore n'étaient pas vraiment de grands exemples de foi religieuse, comme on peut le supposer venant de gens d'argent.

"Humpf ! Cazzi. Ce genre de superstitions juste parce qu'on veut avoir une vie plus intéressante que banquière ou institutrice ! Enfin bref, effectivement, ça pourrait mal se terminer pour toi..."

Elle leva légèrement la tête.

"Bon, et je sens le prof irrité...Je te dirai demain comment ça s'est passé."

La blonde prit donc le stylo et commença à faire ses exercices, l'esprit principalement occupé par sa virée du soir.

Elle se rendit donc, comme prévu, au musée mentionné par les rumeurs, avec un sac à dos contenant une corde d'escalade, une lampe-torche et quelques vivres.
Elle attendit qu'une brèche se forme dans l'ensemble des gardiens protégeant l'endroit pour s'infiltrer.

Elle resta interdite pendant 10 bonnes secondes. Ce n'était pas prévu...Le surnaturel était supposé arriver après. Là, Giulietta avait l'impression qu'elle avait triché.
En voyant une ouverture, elle s'y précipita, encore confuse par l'hallucination. Une fois dans le "musée", elle regarda autour d'elle.

Giulietta essayait de rester calme par prudence, mais elle exultait intérieurement. Ce n'était pas une hallucination, c'était réel ! Le surnaturel existait bel et bien !
Mais quand même...Que faire ? Se demanda t-elle. Elle était indéniablement en grand danger...Mais comme il était clair qu'elle ne connaissait pas ce monde, elle décida qu'il était inutile de chercher à le comprendre, et chercha le souterrain secret, s'il existait toujours...

Giu trouva l'énigme étrange. Cela paraissait simple, mais la dernière ligne était troublante.

"Euh, une sauterelle, un criquet ou une cigale ?"

Elle n'était vraiment pas sûre...

Elle s'éclaircit la voix.

"Curieuse, oui, je suis venue en espérant trouver la magie de ce monde. Bizarre, on me le dit souvent, mais alors là, par rapport à cet endroit, je suis aussi ennuyeuse que mon père !"

La gosse de riche se laissa sauter dessus sans broncher. Une cigale qui parle et qui n'avait pas conscience d'être dans une dimension parallèle à la réalité ferait un excellent sidekick. Cependant...

"Un mien papy, Cesare Auditore, m'a un jour dit "Giu, ma petite, que ce soit dans la finance ou dans le tricot, il ne faut jamais hésiter à ouvrir les portes que personne n'ose ouvrir, car quand on veut enfermer quelque chose, on ne le met pas derrière une putain de porte, mais sous dix mètres de béton." Un sage, papy."

Elle chercha donc un moyen d'ouvrir cette ennuyeuse porte.

"Pourquoi mentirais-je ? Mais je n'ai pas grand chose sur moi...De l'argent, des bonbons et barres chocolatés, un peu de limonade, une lampe-torche et une corde. Je ne peux pas offrir ce que je n'ai pas."

Il n'y avait vraiment aucune logique perceptible dans les actions et paroles de cette étrange cigale. Giulietta haussa les épaules et avança, inspectant avec attention ce qui se trouvait derrière la porte.

"Au fait, je suis Giulietta Auditore, et toi ?"

L'inconsciente sortit donc sa lampe torche avant de s'avancer vers les ténèbres...